Par Dr NDJEUNDAM Hertz, Sociologue

C'est à partir de la prise de conscience de l'inégalité de condition et de statut social entre les hommes et les femmes au XXe siècle, que s'est développée l'étude de la place des femmes dans les différentes cultures et époques. Les mouvements féministes ont combattu les inégalités de droits et de statuts entre les hommes et les femmes. Si ce jour la même question se pose à notre époque, ceci implique que les femmes souffrent d’un réel problème de reconnaissance comme maillon essentiel pour le développement effectif de notre pays. En essayant de cerner toute la problématique que soulève ce thème, nous avons pu ressortir quatre sous thèmes principaux :

 

état des lieux de la situation actuelle de la femme dans la société camerounaise.

 

quelle est le rôle que la femme joue dans le développement de la société

 

quels sont les freins à l’épanouissement de la femme

 

quelques ébauches de solutions pour une plus grande participation de la femme.

Cependant, dans le cadre de ma communication, mon argumentaire portera sur les sous thèmes 2 et 4, puisque les deux autres sous thèmes font l’objet de la prochaine communication.

 


1-DEFINITION  DES CONCEPTS

Il existe une pléthore de ces concepts dans le domaine du genre et de la promotion des femmes, mais pour des raisons de contexte, nous ne définirons que ceux qui se rapportent à notre thème.

1) Femme : Une femme bien entendu est un individu de sexe féminin de l'espèce humaine

2) Société : est un terme qui désigne un collectif de personnes dotées d'une personnalité civile. Par société, on désigne en sociologie un ensemble d'individus qui partagent des normes, des conduites et une culture, et qui interagissent en coopération pour former un groupe ou une communauté.

Une société en ethnologie désigne un groupe humain organisé et cohérent par le partage d'une culture, de normes et de valeurs communes. L’individu étant le fruit de ces rapports, la vie en société est donc une condition essentielle à son développement.

 3) Développement

Le développement quant à lui, est le processus par lequel un pays est capable de connaître une croissance durable, autonome et convenablement répartie entre groupes sociaux et entre individus.

Le développement tel que je conçois, peut se définir comme étant un processus par lequel une société, à un moment de son histoire, s'organise pour une meilleure mobilisation et une meilleure utilisation des ressources et forces dont elle dispose, en vue d'atteindre un état jugé meilleur par elle-même conformément à ses aspirations et ses normes culturelles  et que toutes les composantes sociales sans discrimination sexiste, statut social, puissent en jouir.


2-ROLE DE LA FEMME DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA SOCIETE CAMEROUNAISE

La femme camerounaise depuis la nuit des temps a toujours joué un rôle important dans le développement du pays. Notre analyse se penchera tour à tour sur sa place au sein de la famille, au plan économique et au plan politique.

 

2.1- Dans la société traditionnelle africaine / camerounaise

La jeune femme qui naissait avait déjà un destin pré établi par la communauté. Elle grandissait dans les mains des femmes qui se devaient de la façonner en future femme au foyer, mère de famille et aide de l’époux.

 

2.2- Au plan familial, la société

Ainsi, on reconnaissait une grande femme en ce qu’elle savait se soumettre, travailler les champs, faire la cuisine, faire le lit de son époux et lui donner des enfants.

 

2.3- Au plan communautaire

La femme a joué un rôle politique soit en occupant elle-même la fonction royale, soit par son statut de reine mère, épouse du chef ou princesse, elle était conseillère particulière de ce dernier. Ceci se traduit par le fait que lorsqu’il y avait un litige au village, avant que le chef se décide sur une mesure à prendre, il allait d’abord demander l’avis, le conseil de sa femme. En cela, la femme jouait un rôle consultatif indéniable au point où une certaine assertion déclare que c’est la femme qui détenait le véritable pouvoir qui est celui de décision.

 

2.4- Au plan économique

De par leur disposition à supporter la pénibilité du travail, ce sont les femmes dans nos villages  qui constituaient  la principale main d’œuvre pour les plantations. Outre leur travail de culture des produits vivriers, elles ont participé à la cueillette du cacao, café, coton et même à leur commercialisation. Du coup, elle participait activement à  la satisfaction des besoins de la famille.

 

 

 

 

 


 

    3- Dans le monde urbain

     

    Avec l’avènement de la colonisation, les indépendances, la crise économique des années 80, l’avènement de la démocratie et le multipartisme en 90 et aujourd’hui la mondialisation, l’inculturation, l’ouverture à la civilisation occidentale, notre société a subi plusieurs mutations successives qui ont contribué malheureusement à la remise en cause de l’échelle des valeurs. Nous sortons progressivement de la société patriarcale vers une société où hommes et femmes doivent jouir de droits égaux et dont leur rôle complémentaire n’est plus à démontrer. C’est ainsi que le droit à l’éducation a conduit les femmes vers des filières qui jadis étaient la chasse gardée des hommes. Pour mieux étayer mon propos, je présenterais dans les lignes suivantes la femme :

     

    3.1-Au plan social
    La femme constitue le berceau de nos traditions. Car c’est elle qui non seulement donne la vie, protège la vie, mais surtout transmet les valeurs de nos traditions : l’amour, le partage, le pardon, le respect, l’amour du travail, l’ouverture aux autres…c’est elle qui a la charge de l’éducation des enfants, de faire perpétuer la langue, etc.
    Elle est responsable de façonner l’adulte de demain, d’en prendre soin, nourrir, veiller à ses études. C’est elle qui œuvre pour produire à la société le bon ou le mauvais grain.
    Elle participe activement à la définition et la réalisation des projets de la famille en tant que conseillère et bonne gestionnaire. La femme contribue à assurer la cohésion sociale en tant que médiatrice, consolatrice. Elle dispose de fortes capacités d’écoute, pardon, conseil.

     

    3.2- Au plan économique
    Les femmes et les jeunes contribuent à hauteur de 60% au moins au développement économique du pays à travers le secteur dit informel qui occupe principalement les pauvres. Par ailleurs, du fait de ses dispositions naturelles de prévoyante, économe, prudente, elle est moins encline à la corruption et ses pratiques connexes. Ceci explique pourquoi contrairement aux hommes, les femmes chefs d’entreprises sont celles qui paient le mieux leurs impôts.

     

    3.3- Au plan politique
    Bien que n’ayant pas pu accéder à de grands postes politiques, la femme par sa capacité de persuasion et de mobilisation a joué un grand rôle dans l’établissement des hommes politiques, notamment en mobilisant l’électorat, en jouant le rôle de médiateur.
    Les femmes par leur nombre environ 52% de la population constituent une masse importante. De par leur capacité de mobilisation, elles sont utilisées par les partis politiques pour animer  les campagnes électorales. Ce sont elles qui mobilisent, qui galvanisent lors des meetings. Pendant les marches politiques elles sont les plus nombreuses sur le terrain. 
    Cependant malgré tout ce potentiel et tout ce capital, comment expliquer le fait qu’elles soient sous représentées dans toutes les sphères de la vie publique nationale ? 

    EBAUCHES DE SOLUTIONS

    Afin d’améliorer le statut socio juridique de la femme, quelques actions
    sont à préconiser.

    Bien que l’égalité de droits est consacrée dans la constitution camerounaise et même dans les instruments juridiques relatifs aux droits de la femme que le Cameroun a ratifié, il est important de :

     

    mettre un accent particulier sur l’éducation de la femme et de la jeune fille

     

    adopter une politique nationale du genre

     

    élaborer le budget national sensible au genre

     

    promouvoir les femmes leaders de développement

     

    arrêter un quota de représentation des femmes dans les postes politiques

     

    mettre en place un fonds national d’appui à l’entrepreneuriat féminin

     

    adopter l’avant-projet de code de la famille

     

    vulgariser tous les instruments juridiques de promotion de la femme existants

     

    mener des campagnes de sensibilisation afin d’amener les uns et les autres à comprendre que le développement véritable ne peut se produire sans la prise en compte de toutes les composantes sociales. L’heure est donc à la définition de politiques intégrant tous les groupes sociaux.

     

    les femmes doivent elles-mêmes sortir de leur léthargie en s’investissant dans un processus de changement à travers l’éducation par les paires, la valorisation du potentiel existant, le soutien aux femmes leaders, la recherche permanente de l’information utile, le plaidoyer.

     

    Conclusion

    La femme camerounaise, force est de le constater joue un rôle primordial dans le développement de notre société. Cependant, elle souffre de non reconnaissance, des pratiques discriminatoires et même d’ignorance qui font en sorte qu’elle soit encore sous représentée dans toutes les sphères de prise de décision. C’est pourquoi nous pensons avec conviction que si le Cameroun voudrait amorcer une étape importante de son histoire, c’est avec toutes les composantes sociales qu’il faudrait compter. Ainsi, il faudrait envisager des politiques qui visent à réduire le fossé entre les catégories sociales. La femme plus que jamais devrait être le moteur de son propre épanouissement et de l’épanouissement de la société toute entière. Car les hommes d’aujourd’hui sont le produit de l’éducation donnée par les femmes.

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