Par ZOCK AMPAMA YVAN GAUTHIER 

Dans les sociétés traditionnelles africaines, les femmes  ont toujours joué un rôle important dans la gestion des affaires publiques, bien que ce rôle soit de second ordre car se limitait aux conseils donnés à leurs époux avant toute prise de décision par ces derniers.  L'étude d'un bon nombre de systèmes monarchiques a présenté une ou deux personnalités féminines  associées au pouvoir et occupant une position soit égale à celle du roi, soit complémentaire. C’est le cas du royaume de Loango où la «Makunda» (une des femmes du roi) avait, selon Annie Merlet, «une position semblable auprès du roi vili». De même, dans les sociétés traditionnelles bamilékés à l’Ouest du Cameroun, la reine mère « Mafo » occupe une place de choix dans la chefferie et dans la conduite des affaires locales.
Pendant la période coloniale jusqu’aux indépendances, la situation de la femme africaine en politique n’était guère enviable car intégralement regie par la tradition.
Durant des décennies et dans les zones rurales, la situation des femmes était très difficile à accepter. D'abord, la fillette n'est pas envoyée à l'école : les mères ne voient pas l'utilité de scolariser une enfant qui est appelée, dès son plus jeune âge, à les seconder, en gardant les plus jeunes et en participant aux tâches domestiques, comme aller chercher de l'eau ou s'occuper de la maison. Avec leurs mères, les jeunes filles pourvoyaient à l'économie de la cellule familiale. La femme en Afrique était perçue comme une richesse et un potentiel agent économique producteur de vivres dans les zones rurales et un agent social reproducteur de la société identique en elle même.

Avant que les ONG n'interviennent, les femmes n'étaient même pas considérées comme des interlocutrices par les grandes agences d'aménagement rural. Il faut dire qu'elles n'existaient pas pour le droit coutumier qui a longtemp prévalu comme principal mode de gestion et de régulation du foncier. Dans certaines localités où la tradition était forte, on comprend pourquoi bien de femmes avaient la tentation de fuir le village pour s'installer en ville, où elles pouvaient échapper à l'autorité du groupe et à la traditon dont les anciens étaient le gardien.

La vie urbaine a apporté une amélioration à la condition de la femme : les fillettes ont eu accès aux études à tous les niveaux, les femmes ont bénéficié des conseils en matière de planning familial et de santé sexuelle et reproductive .
Progressivement et timidement, quelques femmes ont pris la gestion de certains secteurs de la vie publique. L'histoire de la promotion de la femme en Afrique peut être resumée en quelques périodes comme suit.

Le Cameroun est l’un des premiers pays africains à avoir octroyé le droit de vote aux femmes en 1946, avant le Ghana (1954), l’Ethiopie (1955), l’Egypte (1956), la Tanzanie(1959) et la Guinée Equatoriale (1963) (PNUD, 2002 :241-242).
Mais ce n’est qu’après les indépendances des pays que les femmes commencent à jouir pleinement de leurs droits de vote et d’éligibilité, quoique leur présence au sein des postes électifs se soit révélée plutôt discrète. Par contre, le militantisme politique féminin a été nettement plus dynamique, et ce, bien avant l’indépendance. On peut revenir sur le rôle joué par des femmes extraordinaire comme FUNMILAYO RANSOME KUTI, la mère du regreté musicien nigerian FELA.

Dans le domaine économique,la femme africaine a toujours joué un rôle de premier plan. Dans la société traditionnelle, elle est la main nourricière de la famille. Il faut avant de continuer, rappeler que le choix d'une épouse était de la compétence d'autres femmes, notamment la mère et les tantes du garçon. La future mariée devait avoir des reins susceptibles de porter plusieurs enfants et des molets lui permettant de cultiver des superficies importantes. La puissance économique et sociale des femmes africaines avec le developpement du commerce s'est traduite par une forte présence des femmes dans ce secteur. En Afrique de l'Ouest, elles ont massivement occupé le commerce de détail et même celui de gros ( Les Nana Benz). Leur présence massive dans le secteur informel et la production de biens alimentaires font d'elles des agents économiques de second plan, mais importants pour la survie et la reproduction de la société. Aujourd'hui, un nombre non négligeable de femmes africaines est à la tête de très grandes entreprises.
Dans le même sens et en dépit des efforts consentis, les politiques de développement n’ont pas toujours été sensibles aux besoins des femmes et n’ont pas réduit leur pauvreté de manière conséquente. L’espace politique où se décident les politiques et les orientations stratégiques d’un pays est encore peu ouvert aux femmes, malgré les avancées enregistrées.

La question féminine demeure le point de focalisation de toutes les attentions et nous incite à rechercher et à trouver les voies et moyens pour rendre plus visible l’action des femmes en matière de developpement et leur participation à la prise de décision. Ceci interpelle toutes les composantes de la société africaine : décideurs politiques, leaders traditionnels et religieux, acteurs économiques, hommes et femmes.

En Afrique, les femmes ont réalisé d’importants progrès sur la scène politique au cours des dernières années. Sur le plan de l’organisation politique du continent, l’Union africaine (UA), a franchi une étape importante en encourageant la parité des sexes à ses postes de décision les plus élevés. En 2003, cinq femmes et cinq hommes ont été portés commissaires de l’UA. ... de femmes sont présidentes de republique dans leur pays, ce qui constitue une avancée non négligeable.


Aujourd'hui, les législations dans les pays africains prônent l’égalité de droits et la parité entre les genres, dans les domaines politique et économique. Mais il n’en demeure pas moins vrai que la répartition des rôles et des pouvoirs entre les genres n'est pas encore égalitaire.
Les années 1990 ont ainsi représenté un tournant dans l'histoire des femmes en Afrique. Crise économique et plans d'ajustement structurel ont suscité des vagues de licenciements qui ont réduit au chômage une grande partie de la population urbaine. La capacité des femmes à multiplier les petits métiers dans le secteur informel a alors permis à bien de foyers d'échapper à la misère absolue. En prenant une place accrue sur le plan économique, la femme a augmenté son pouvoir social. Ces années charnières ont aussi été celles qui ont vu la démocratisation de l'Afrque francophone imposée de l'extérieur par la France et par les pays de l'OCDE lors des forums consacrés à l'efficacité de l'aide.

Un évenement a joué un rôle important dans le processus de promotion de la femme africaine: c'est la quatrième Conférence mondiale sur les femmes organisée à Beijing en Septembre 1995. La Déclaration de Beijing montre l'engagement de la communauté internationale au service de la promotion de la femme. Le Programme d'action de Beijing a défini les mesures à prendre à l'échelon national et international pour la promotion de la femme au cours des cinq prochaines années.

 

Si le Programme d'action de Beijing était appliqué, il en resulterait un renforcement du pouvoir social, économique et politique des femmes et une amélioreration de leur santé, facilitant ainsi leur accès à l'éducation.

Le rôle politique, économique et social des femmes ne s'est accru comme on l'esperait.

Même si des changements ont été constatés, il faut dire qu'ils sont loins des espérances. Toutes les recommandations des conférences restent le plus souvant dans les tiroirs des bureaux sans application possible. Des actions qui sont entreprises, ressemblent le plus souvant à de la poudre dans l'oeil du grand public.



Mme Gertrude MONGELLA, a été nommée à la direction du Parlement panafricain de l’UA, dont les femmes représentent 25 % des membres. Un autre organe de l’UA, le Mécanisme d’évaluation intra-africaine, qui fixe des critères de bonne gouvernance, est dirigé par Mme Marie-Angélique SAVANE.
Sur le plan  parlementaire au Cameroun, depuis 2012, la proportion de femmes députées atteint 26,9 %, en net progrès par rapport à 2007 où elle s’élevait à 18,5 %. A ce rythme de progression en nombre de sièges obtenus par les femmes (+ 48 par rapport à la dernière législature) la parité serait atteinte à l’Assemblée dans une quinzaine d’années. En 2014, 87 femmes ont été élues au Sénat. Elles représentent 25 % de la Haute Assemblée, contre 17 % il y a dix ans. sur 180 députés, les femmes ont occupés 25 sièges.
Dans le cadre de la campagne de ratification du protocole des femmes, Les militants de la cause des femmes redoublent d’efforts afin d’obtenir les quinze ratifications minimales nécessaires à l’entrée en vigueur d’un protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples visant à promouvoir l’égalité des sexes. Une fois entré en vigueur, ce Protocole sur les droits des femmes constituera un cadre juridique pour les droits des femmes et obligera les Etats à adopter des lois interdisant la discrimination.


Ce protocole stipule que toutes les femmes ont le droit “à la reconnaissance et à la protection de leurs droits fondamentaux et juridiques”. Il comprend des articles sur l’égalité dans le cadre du mariage, l’accès à la justice et à la participation politique, ainsi que la protection des femmes en période de conflits armés et l’accès à l’éducation, à la formation et aux soins de santé. Il consacre également le droit des femmes au logement et à l’héritage. Les droits des veuves et la protection spéciale à accorder aux femmes âgées et aux femmes handicapées sont également abordés. Le protocole comporte des principes directeurs visant à mettre fin aux pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines, considérées comme préjudiciables à la santé des femmes et des filles. Les signataires devront rendre régulièrement compte des progrès et débloquer les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des droits énoncés dans le protocole.
L’implication des femmes en politique, comme actrices ou bénéficiaires, amène à s’interroger sur la nature du politique, et conduit aussi à réfléchir sur la manière de l’exercer.
Si le discours sur leurs droits leur a ouvert un espace de prise de parole et d’action relativement large, elles ne doivent pas pour autant oublier qu’elles doivent elles aussi participer à cette transformation de l’Etat. Transformer l’Etat, en associant leurs revendications à celles plus larges des sociétés civiles sur les égalités de classe, de race, de religion et/ou de culture est un défi qu’elles doivent relever pour parvenir à une gouvernance plus démocratique et soucieuse du développement durable de ses populations. (Sow)

Au regard des défis et de la nécessité pour les femmes d’Afrique et d’ailleurs de faire valoir, de façon transversale leurs positions, H. DAGENAIS a sans doute, raison de penser que les féministes du Nord et du Sud n'ont pas encore les moyens de renoncer à la sororité. Il faut néanmoins ajouter (Touré – Codesria) à ce bel appel à la solidarité que pour être durable et pérenne, la sororité ne saurait reposer que sur la compréhension mutuelle et le respect des intérêts différentiels des unes et des autres.

L’avènement de la démocratie et l’action des ONG dans l’évolution de la femme en politique
Le processus de démocratisation a sans conteste favorisé un foisonnement d’organisations féminines légalement constituées. La défense et la promotion des droits de la femme, notamment des droits sociaux et économiques apparaissent un peu dans tous les pays comme une préoccupation majeure de ces organisations. Mais seules quelques ONG défendent les droits politiques des femmes et la promotion de leur participation à la gestion de la chose publique. Certaines affichent clairement l’ambition de promouvoir des femmes aux postes de décision ou ont déjà réussi, par leur action, à accroître le nombre de femmes ayant des responsabilités politiques. Au Bénin, le Réseau national des femmes pour la parité n’a pas eu le même succès aux élections législatives de 1994, malgré la détermination avec laquelle ses militantes ont mené campagne. Leur mouvement réclamait plus précisément que la parité soit instituée au Bénin afin de favoriser l’émergence de femmes en politique.
Au Cameroun, Edith KABAND WALLA, présidente du CPP a été l’une des révélations des dernières élections présidentielles de 2011 avec une position impressionnante pour une première participation.
Toutefois, de nombreuses ONG ont été un tremplin pour les femmes pour accéder à la vie politique, soit en créant des partis politiques, soit en occupant des postes politiques à l’Assemblée ou dans l’exécutif. Une fois ces postes occupés, elles rentrent dans l’arène politique. Ce schéma devient de  plus en plus  observé dans de nombreux pays en Afrique noire.

Une politique publique sensible au genre prend en compte les rôles, situations, besoins et intérêts des femmes, des hommes, des filles et des garçons. La mise en œuvre des politiques publiques repose sur deux « piliers » essentiels : un ensemble normatif et un système d’acteurs. Elle se fait en utilisant entre autres moyens l’élaboration de lois et de textes réglementaires. C’est à ce niveau que l’Assemblée Nationale a un rôle important à jouer dans la réduction des inégalités en vue de faciliter l’accès à la vie politique à beaucoup plus de femmes. Au Cameroun, de plus en plus, on parle de la prise en compte du genre dans les postes politiques. Raison pour laquelle on peut voir des femmes émergées dans les postes ministériels, les secrétariats des ministères, les services de gouverneurs, les préfectures et les délégations régionales…etc.

 

 



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