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Mme LONYOYO, vous êtes congolaise de la RDC et coordinatrice du Réseau Genre et Développement. Pouvez-vous vous présentez brièvement, ainsi que l’organisation que vous dirigez? |
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Je m’appelle Mme LONYOYO AGAYO Mathilde, mariée, mère de 6 enfants, âgée de 51 ans, habitante de la ville Bunia, de nationalité congolaise (RDC). Je dispose d’une licence en Pédagogie Appliquée et suis actuellement je fa cycle Ms le cycle de Master en Leadership et Management des organisations à l’Université Slalom de Bunia. En plus, je suis Coordinatrice du Réseau Genre et Développement (REGED-Asbl), une organisation non-gouvernementale de droit congolais regroupant à son sein une vingtaine d’associations locales, mutualités, groupements agricoles impliqués dans les activités d’autonomisation de la femme, du développement local et de protection de l’environnement. Créé depuis 2012, notre réseau a son siège social à Kisangani, chef lieu de la Province Orientale, son bureau de coordination à Bunia et ses antennes à Komanda, Dungu et Ango.
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D’après vous, quels sont les facteurs qui empêchent l’épanouissement de la femme congolaise ? |
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Les facteurs qui empêchent l’épanouissement de la femme congolaise sont multiples. A titre d’exemple, je peux citer :
- Nos coutumes qui placent la femme au bas de l’échèle et lui hôte le droit de participer à la prise des décisions de la maison et de la cité;
- L’analphabétisme aigue de la femme congolaise, et surtout celle vivant en milieu rural ;
- La sous-estimation de la femme congolaise par elle-même, par son partenaire intime et aussi par la société;
- Les difficultés d’accès à des postes de responsabilité, même lorsque la femme a étudié et qu’elle possède de la compétence;
- La pauvreté, non accès aux crédits, les naissances non planifiées et multiples;
- Les mariages précoces, qui la plus part des cas se soldent par des divorces ou des séparations, d’où la femme garde les enfants et donc obligée de subvenir aux besoins de ceux-ci alors qu’elle ne dispose souvent pas des sources de revenus;
Pour l’Est de la RDC, les différentes guerres et rebellions durant lesquelles les femmes et les enfants sont les premières victimes (perdent leurs maris, déprimées par des viols, se retrouvent en situation de déplacement ou de refuge avec, à leurs charge, des enfants à nourrir et scolariser, etc).
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Quelles sont les solutions que vous préconisez dans votre réseau pour faire face à cette situation ? |
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Face à cette situation, REGED-Asbl préconise la mutualisation des efforts visant l’autonomisation de la femme et l’implication des hommes dans ce processus.
La mutualisation, car nous sommes convaincus qu’aucune organisation ne peut toute seule affronter les multiples problèmes de la subordination de la femme, malgré la quantité des ressources qu’elle peut disposer. Le besoin de collaboration et de coopération s’impose.
Le travail avec les hommes: au sein de REGED, notre lutte pour l’autonomisation de la femme n’est pas une lutte contre les hommes (toujours accusé d’auteur des violences et discriminations sur la femme), mais plutôt une lutte avec les hommes. La position du pouvoir des hommes a été construite durant des siècles, par des enseignements et cultures différentes. Une déconstruction de ce modèle sociétal nécessite un changement des comportements aussi bien des hommes que des femmes. Pour les hommes, ceci n’est possible que lors qu’ils sont considérés comme agent du changement et non cible du changement. C’est pourquoi, REGED-Asbl sensibilise les hommes par les autres hommes pour les aider à changer leurs croyances au sujet des femmes qui sont leur égales et non leur rivales.
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Pouvez- vous nous parler de quelques actions d’envergure réalisées par votre réseau ces cinq dernières années? |
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Il faut noter que REGED-Asbl développe ses activités soit directement soit à travers les associations locales membres qu’il encadre sur le plan technique. En plus, il n’a que trois ans de vie active. Ainsi, les activités d’envergure suivantes ont déjà été réalisées dans le cadre de l’autonomisation de la femme:
- Le renforcement des capacités des associations membres sur la gestion des associations locales et la lutte contre les violences et discriminations à l’égard de la femme. Nous avons ainsi accompagné des associations féminines membres dans l’élaboration de leurs plans stratégiques.
- Le lancement des campagnes de sensibilisation sur les droits humains et les droits de la femme pour briser certaines pratiques coutumières qui freinent l’épanouissement de la femme congolaise.
- L’initiation à Komanda, avec l’association membre « OREDECO, Organisation de réveil pour le développement au Congo», d’une caisse commune avec les parts des membres. Cette caisse sert à fournir des microcrédits aux femmes commerçantes et membres des associations membres.
- Fourniture des activités génératrices des revenus (AGRs) aux femmes et filles victimes des violences sexuelles à Dungu et Bunia.
- L’organisation des cours d’alphabétisation (lecture, écriture, calcul et cours de langues) à Dungu et Bunia pour dans le but de permettre aux bénéficiaires des AGRs de s’exprimer ouvertement en cas de besoin ;
- L’agriculture : comme la plus part des femmes membres ont des difficultés à avoir des terrains pour les activités agricoles, REGED a acheté une concession de deux hectares à Bunia sur laquelle ces femmes pratiquent des champs à couloirs et reçoivent un crédit en outils aratoires et semences.
- Nous avons également ouvert un champ communautaire d’environs 3 hectares dans les environs de Bunia où nous avons planté des eucalyptus dans le cadre de la gestion de l’environnement. Les femmes qui ne sont pas en mesure de labourer des champs reçoivent des portions et sèment, sous ces arbres, des haricots, arachides et soja à leurs comptes.
- Nous organisons en fin des ateliers et rencontres d’échange d’expérience avec les associations membres venant de nos différents axes d’intervention.
Toutes ces activités concourent à l’autonomisation économique de la femme congolaise, la conscientisation de celle-ci, pour l’amener à une nouvelle considération d’elle-même.
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Quelles sont les difficultés que rencontre votre réseau dans la réalisation de ses missions ? |
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Les difficultés sont nombreuses. Tout d’abord l’insuffisance de nos moyens par rapport aux besoins de plus en plus croissants de nos bénéficiaires, ensuite les difficultés d’avoir des partenaires d’appui et en fin les résistances rencontrées sur terrain par les autorités coutumières et administrative, les hommes et curieusement certaines femmes face à nos messages et actions de lutte contre les discriminations de la femme. Nous faisons face à un certain conservatisme mal placé.
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Mme Mathilde avez-vous déjà été victime d’injustice ou de discrimination à cause du seul fait que vous êtes de sexe féminin? |
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Oui, je l’ai déjà été autant de fois à l’école, au travail et même en famille. |
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Comment voyez – vous la femme congolaise dans une vingtaine d’années ? |
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Avec toute la mobilisation encours tant au niveau international, national que local, nous voyons une femme sortie de la pauvreté, moins dépendante de l’homme, intellectuelle, capable de diriger sa propre vie; bref une femme épanouie dans les faits et non seulement dans les textes juridiques et discours politiques.
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Merci Mme LONYOYO pour votre disponibilité et l’attention que vous nous avez accordées. Nous espérons nous revoir à la prochaine opportunité. |