Par Mme ANDRIAMA NANA Hobi

Lorsqu’on parle de Madagascar, les gens voient immédiatement une société matriarcale dans laquelle le pouvoir est entre les mains des femmes et un pays où l’égalité des sexes est une évidence. Mais en réalité, cette vision de la condition et de la situation de la femme n’est pas vraie, elle est un tout petit peu tronquée, embellie. D’ailleurs les résultats de la recherche d’une jeune doctorante en sociologie Ramanantsoa Ambinina vont dans le même sens.  D’après sa conférence à l’institut français de Madagascar le 11 février 2015,  les femmes n’ont jamais eu de pouvoir  à Madagascar même du temps des reines qui  d’ailleurs n’avaient que des pouvoirs symboliques. Selon elle, c’est le Premier ministre de l’époque Rainilaiarivony qui décidait des stratégies du pays. Aujourd’hui, il n’y a pas de société matriarcale à Madagascar et la femme n’a toujours pas de contrôle sur la société.


Ces analyses vont dans le même sens que l’observation de terrain. Même si la femme malgache jouit d’une certaine liberté, il faut avouer  que le chemin de l’autonomie et de l’égalité avec les hommes est encore long et semé d’embûches.  Ces embûches sont diverses. 
A Madagascar,  il n’y a pas d’excision et les  jeunes filles ont droit à l’éducation.  On a à cet effet observé des avancées considérables dans la scolarisation des filles. La parité est acquise à l’admission à l'école primaire, soit un ratio fille/garçon de 1,05. Cependant on constate qu’elles ne vont pas loin dans leurs études et sont dans la plupart des cas amenées à aider les familles ou à se marier. Ainsi comme l’affirme B. Gastineau et N. Ravaozanany dans  "Genre et scolarisation à Madagascar", cette île est souvent présentée comme une exception en Afrique car les taux de scolarisation y sont élevés et on y observe une grande parité entre les filles et les garçons surtout dans le primaire. C’est le seul point positif que l’on peut évoquer ici, car les stéréotypes sexistes sont très nombreux. Les filles et les garçons ne sont pas traités de la même façon, celles-ci sont perçues comme moins bonnes à l’école que les garçons et moins ambitieuses. Elles font difficilement de longues études  à cause  des mariages précoces et sont plus nombreuses à quitter l’école ; les parents préférant privilégier l’avenir des garçons, futurs piliers de la famille, et potentiels  successeurs qui feront perdurer le nom de leur père. La parité fille garçon passe de 0,93 dans le 1er cycle du secondaire à 0,86 dans le second cycle. Plus on monte en niveau, moins il y a de filles scolarisées.  Gastineau et Ravaozanany  ont observé que dès les classes primaires, les enfants malgaches intègrent complètement ces stéréotypes transmis à l’école et dans la famille. L’école est plus pour les garçons que les filles un tremplin vers plus d’autonomie et de responsabilité dans la société.

 

Dans le domaine politique, le quota  de 30% n’est jamais respecté, on compte 6 femmes ministres sur 30. Pareil au sein du parlement et des autres organes décisionnaires.


Il y a 20% de femmes à l’Assemblée nationale, soit le double qu’en 2005. Christine Razanamahasoa aura été la première femme présidente d’une institution avant d’être délogée du perchoir. Elle a auss été ministre de la Population en charge de la promotion de la femme. Seulement 4% des communes ont une femme à leur tête.

Dans le domaine de la santé, la femme n’a pas le droit de jouir librement de son corps et l’avortement est considéré comme un crime, même en cas d’inceste ou de viol. D’ailleurs, l’avortement est un sujet tabou dans la société malgache alors que tout le monde sait que l’avortement clandestin, très dangereux pour les femmes, se pratique à tous les coins de rues.

Aussi, 30% des femmes déclarent avoir subi des violences en tout genre, aussi bien  physique que morale de la part de leurs conjoints. 12 % d’entre elles ont subi une violence physique et 19% une violence à caractère psychologique. La violence sexuelle est un phénomène répandu dans l’ile, puisque 7,2% des femmes violentées en sont victimes et 35% des méfaits sont accomplis par un voisin. La plus inquiétante des statistiques et le taux de mortalité maternelle de 480 décès sur 100 000 accouchements. Plus de la moitié des femmes enceintes ne sont pas suivies durant leur grossesse et accouchent sans la présence du personnel médical.

 

    Une autre particularité de l'île est la forte différence régionale en matière de déséquilibre entre les sexes. D’après les résultats de la recherche de Tselany Deborah, la région du Sud-Est  est  celle où la situation et la condition des femmes sont les plus préoccuppantes de Mardagascar. Malgré les lois en vigueur, les femmes n’héritent pas des biens de leurs parents qui reviennent de droit aux garçons.

    Dans la culture malgache en général, l’épouse et les enfants filles n’héritent pas. La veuve se trouve au 7ème rang des héritiers de son défunt mari. Les terres et terrains hérités des ancêtres de la famille ne sont transmis qu’aux fils. Dans certains établissements scolaires du Sud-Est et du Nord-Est, on compte deux fois plus de garçons que de filles au collège,pas parce que ces régions n'ont pas suffisament de flles mais parce que la tradition y est trop forte.De même la femme mariée peut être répudiée unilatéralement et les mains vides par le mari, malgré le zara-mira (partage équitable des biens communs acquis pendant le mariage) prévu par la loi. Plus humiliant encore, les femmes n’ont pas le droit de manger avec les hommes, elles mangent les restes de ces derniers.

    Les femmes sont considérées comme des êtres inférieurs dans cette société du Sud–Est et du Nord Est où les gardiens de la tradition sont superpuissants et empêchent toute forme d’évolution de la société.  Tselany Deborah dans sa recherche, cite l’exemple du refus d’un chef de district de faire distribuer aux femmes des cartes d’identité nationale à l’occasion d’une opération « carte d’identité nationale ». Le procureur  saisi  a décidé que les femmes aussi ont droit de disposer d’une carte d’identité nationale. Aussi, à qualification égale,  le salaire n'est pas le même pour les hommes que pour les femmes. On peut aussi citer l’absence de reconnaissances de qualifications féminines. Les femmes ont beau avoir des diplômes, elles ne parviennent pas à les mettre en valeur. Les hommes demeurent  prioritaires sur le marché de l'emploi. Il existe de nombreux cas d’injustices envers la femme à Madagascar comme dans d’autres contrées africaines.
     


    Bien que les cadres juridiques et réglementaires mettent l’homme et la femme sur le même pied d’égalité, les pratiques sociales influencées par les traditions réduisent les possibilités d'autonomisation et d'épanouissement de c elles -ci. A Madagascar, 85% des femmes de 15 à 49 ans ont une activité génératrice de revenu, particulièrement dans le secteur informel où les revenus sont  très faibles. L'analyse de l'apport de la microfinance montre que 4% des femmes ont eu recours à la micro finance et 14% d’entre elles n’arrivent pas à rembourser. De nombreuses raisons liées à la tradition, à la faible scolarisation des femmes, à la modicité des montants perçus et à l'etroitesse des marchés espliquent ces piètres performances.

    Malgré  la loi foncière adoptée en mai 2005 par le Gouvernement qui reconnait l’égalité  d’accès à la terre aux deux sexes, les terres sont toujours détenues par les hommes et les certificats fonciers leurs sont octroyés.

     

     

    En conclusion, les nombreux efforts fournis par les gouvernements, les associations et les partenaires au développement ne portent pas encore les fruits espérés. Cependant,  une prise de conscience est déjà perceptible au niveau des femmes et d’une frange importante d’hommes à Madagascar. Les rares femmes qui ont accédées au pouvoir commencent aujourd’hui à militer pour plus de femmes aux instances décisionnelles. L’histoire est en marche et les choses ne seront plus comme avant.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     



 

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