Par l'équipe FFA






Mme Patience, bonjour. Vous êtes congolaise de la RDC et Responsable d’une école. Pouvez-vous vous présentez brièvement, ainsi que l’institution dans laquelle vous travaillez?


Bonjour cher Monsieur. Je suis madame Patience HELEZELE NGBANDIA, femme mariée, mère de six enfants et résidant à Ango dans le Bas Uélé en République Démocratique du Congo. Je suis Préfet de l’Institut Lazunga, un établissement d’enseignement secondaire fonctionnant sous le régime protestant. Créé depuis septembre 2007, notre école organise la section littéraire (option latin-philosophie) et compte actuellement cent trente élèves, filles et garçons confondus.

Madame, pouvez- vous nous parler de la situation de la femme dans la société congolaise en générale et dans la tribu Zandé en particulier ?

 

De manière générale, la situation de la femme congolaise s’améliore de plus en plus. En effet, si du temps de nos parents une femme ne pouvait pas aspirer  aux postes de responsabilité, il n’en presque plus le cas de nos jours. L’on voit des femmes député, ministre, chef d’entreprise, préfet comme moi-même, etc. Certes, les opportunités ont été ouvertes à la femme, bien que des pesanteurs culturelles persistent encore et ne facilitent pas à la femme soit de profiter de ces opportunités, soit de bien exercer son travail : la répartition des tâches ménagères (un lourd fardeau à la femme), la perception de la femme dans la société (gardienne d’enfant et ménagère), le faible niveau d’éducation, etc.
De manière spécifique par contre, la femme de ma tribu (Zandé), et spécialement celle vivant dans le milieu rural, continue à subir  des violences et discriminations de tout genre. Dans le ménage, les hommes s’arrogent le droit d’infliger des coups aux femmes (pour soit disant les ‘corriger’, même lorsque c’est l’homme qui est en faute), de disposer des biens et ressources du foyer à leur guise sans un quelconque avis de la femme, et de proférer des insultes et menaces à la femme même en présence des enfants et des étrangers. Il faut aussi signaler le déni de ressources dont souffre la femme Zandé. En fait, les Zandé sont majoritairement agriculteurs. Les travaux des champs sont clairement repartis entre l’homme et la femme :   l’homme procède au défrichage et abattage des arbres, alors que la femme se charge du ramassage et brulage des herbes et troncs d’arbres, du semis, du sarclage et de la récolte. Curieusement à la récolte, le produit du champ est divisé en deux parties égales: l’une appartient à l’homme (il en dispose à sa guise) et l’autre est réservée pour les besoins du ménage (nourriture, soins, éducations des enfants, etc.) et l’homme en bénéficie également.  Cette situation réduit la capacité des parents de satisfaire les besoins élémentaires de leurs enfants, d’où un taux élevé d’abandon scolaire par manque de frais, des grossesses et  mariages précoces chez les filles, etc.

En société en fin, la femme n’est pas impliquée dans la prise des décisions concernant le mariage des enfants ou tout autre projet d’ordre communautaire.



A vous attendre parler, la femme Zandé travaille durement mais ne profite pas de son travail. D’après vous quelles sont les causes de la faible autonomisation économique de la femme Zandé ?

 

 

Les causes sont de deux natures :
Premièrement, le faible niveau de scolarisation de la femme, causée pas seulement par la pauvreté, mais aussi et surtout par négligence de la majorité des parents  qui ne trouvent pas d’importance dans l’éducation de la fille (vouée à quitter la famille pour fonder son foyer).
Deuxièmement, le manque d’autonomisation est dû à la perception de la femme à son propre égard. Nous remarquons que la femme se sous-estime elle-même et ne prend pas courage de développer des initiatives pouvant la sortir du joug de la domination. Elle se laisse ainsi dépendre de son mari ou de sa famille.



Avez-vous déjà été victime d’injustice ou d’une discrimination à cause du fait que vous soyez de sexe féminin ?


Oui. Je me souviens qu’une fois j’ai soumis ma candidature au poste d’agent de sécurité (communément appelé gardien) dans une organisation humanitaire. Je préférais ce travail et j’avais la conviction de pouvoir bien l’assumer. Mais, lors du dépouillement, uniquement les candidatures masculines ont été retenues et j’ai été informée que ce poste était uniquement réservé aux hommes car, selon l’employé, une femme ne pouvait pas effectuer ce travail.  J’ai trouvé que c’était injuste et que cet argument était non fondé.

Vous êtes parmi les rares femmes du Bas Uélé à lutter pour l’autonomisation économique de la femme.  Quel sens donnez-vous à cette notion et qu’est-ce qui peut être fait pour y parvenir 


Pour moi, l’autonomisation économique de la femme signifie le fait pour une femme de gagner sa vie et de pouvoir décider de ce qu’elle peut faire avec son argent.
Pour y parvenir, je pense qu’il est important de favoriser l’éducation de la jeune fille, d’aider la femme à avoir l’estime de soi et de renforcer son accès aux ressources.



En quoi l’éducation contribue-t-elle à  l’autonomisation économique de la femme ?

 

L’éducation permet à la femme d’être autonome sur plusieurs dimensions. Elle lui fournit les informations de la vie courante et lui confère la facilité de prendre en charge son foyer sans la totale dépendance au mari. 
C’est ainsi que dans notre école, en plus de l’instruction, nous encourageons les élèves filles à poursuivre et achever leurs études et rechercher un travail, car ce dernier leur permettra de gagner de l’argent, de suppléer aux besoins de la famille et, par conséquent, d’améliorer leurs estimes dans le foyer.

A votre avis quelles sont les perspectives de la femme congolaise en particulier et africaine en général


La femme congolaise en particulier et africaine en général doit se battre pour son épanouissement, gage de toute participation effective dans le développement de la RDC et de l’Afrique. Elle doit se sentir capable de réaliser les mêmes travaux et d’occuper les postes auparavant réservés exclusivement à l’homme.

 

Que pensez-vous d’un mouvement africain qui rassemblerait les hommes et les femmes d’Afrique et dont l’objectif serait de construire une nouvelle société africaine fondée sur l’égalité et la justice et qui s’attèlerais à améliorer la situation et la condition de la femme ?

 


Un tel mouvement serait souhaitable car il permettra de mettre ensemble les efforts et partager les expériences et bonnes pratiques respectives pour une égalité durable.

 

Nous vous remercions

 


 

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